négoce métaux Asie
La consolidation du secteur, longuement anticipée, a commencé
Commerce des métaux / Asie
Posté par : Gaëlle Le Huérou 23.11.2020 à 18h00
Les négociants asiatiques prévoient depuis longtemps une consolidation du secteur et force est de constater que celle-ci a aujourd’hui débuté dans une région qui concentre une bonne part des échanges mondiaux.
Beaucoup d’entreprises de négoce, situées à Shanghai et à Singapour, qui ont démarré leur activité au début des années 2000, pour tirer avantage de la bulle haussière, ont vu les risques augmenter avec la pandémie de Covid-19 et leurs marges fondre littéralement.
De nombreuses entreprises de négoce de petite et moyenne tailles ont récemment mis la clé sous la porte. Cette tendance reflète la consolidation qui s’opère dans le secteur des métaux industriels en Asie, au profit des entreprises publiques chinoises, qui, elles, continuent d’avoir accès aux lignes de crédit.
Ces fermetures de sociétés privées interviennent dans un contexte de durcissement des conditions de crédit, après les pertes enregistrées consécutivement à des défaillances de grandes entreprises. ABN Amro, fortement impliquée dans le commerce des matières premières, a enregistré pour 1,31 milliard de dollars de dépréciations de prêt au premier trimestre 2020, une perte qui aura incité la banque à quitter le secteur.
Standard Chartered, de son côté, a essuyé pour 1,576 milliard de dépréciations de prêt au premier semestre, en partie liées à des défaillances d’entreprises de négoce. HSBC Asie a également subi de lourdes pertes.
Roland Rechtsteiner, qui dirige le cabinet de conseils Oliver Wyman sur les risques et les pratiques dans le négoce, explique que la dislocation de la chaîne d’approvisionnement, de la demande et des financements a profité aux grandes entreprises du secteur.
Des fermetures chez les petits négociants
Les entreprises de négoce dont le chiffre d’affaires est inférieur à 300 millions de dollars ont été fortement éprouvées, au point d’arrêter leur activité pour certaines. C’est le cas d’Alfar Resources, avec des bureaux à Shanghai, Singapour et Hong Kong, qui a commencé à liquider ses stocks et à mettre fin à ses contrats en juillet. Les salariés ont eux quitté la société en septembre.
De son côté, la maison de négoce, basée à Shanghai, Bayin Resources, qui a débuté son activité en 2004 sous la direction de Pechiney Far East Ltd. et qui comptait parmi ses soutiens financiers la banque Barclays, va elle aussi mettre un terme à son activité en fin d’année.
Ces cessations d’activité sont la conséquence de la dissolution de la coentreprise publique-privée chinoise Xindeco-Maike, qui a entraîné un exode de ses négociants tout au long de l’année. Aucune fermeture n’a cependant officiellement été annoncée. Les activités restantes ont été restituées à Xiamin Xindeco et à Maike, premier négociant en cuivre chinois. « L’ensemble du marché asiatique est confronté aux effets d’une sortie bancaire », a révélé une source anonyme.
Quelles conséquences pour 2021 ?
Les entreprises de négoce pourraient ne pas obtenir de lignes de crédit pour financer leurs contrats à long terme.
Les acheteurs chinois n’ont pas voulu signer de contrats aux niveaux de primes proposées par les producteurs de cuivre, tels que Codelco, qui a reconduit sa prime de 2020 en 2021, à 88 $/t. Le secteur est devenu fragile, et ce en partie parce que la Chine en a fait un mastodonte. L’Empire du Milieu concentre 42% des échanges réalisés sur le cuivre affiné et 28% de ceux effectués sur le nickel. « Ces marchés étaient auparavant dominés par la demande des investisseurs. Aujourd’hui, il reste la demande réelle. Les affaires n’ont pas été bonnes ces trois dernières années », indique Eric Liu, responsable négoce dans le cuivre chez ASK Resources, une entreprise qui croît rapidement. « Les contrats à long terme qui vont être conclus au cours des prochaines semaines seront révélateurs. Les primes seront, selon moi, inférieures à celles pratiquées cette année. Les tonnages vont certainement être moins élevés aussi », ajoute le consultant.
Marges étroites et risques accrus
Plusieurs entreprises ont vu leurs marges chuter en raison de la baisse des volumes d’activité au niveau des opérations d’arbitrage, pour lesquelles les coûts de financement ont augmenté et l’accès aux crédits a été restreint.
Les échanges internationaux se poursuivent mais certains négociants ont vu leur accès aux entrepôts de douane retirés, selon des sources concordantes, ce qui a stoppé leur activité.
Les chaînes d’approvisionnement et de demande dans le segment des métaux ont subi des ruptures plus importantes que celles des autres matières premières. Les productions de cuivre, de zinc et de plomb, situées en Amérique latine, ont été durement touchées par la pandémie de Covid-19, « ce qui a profité aux grandes entreprises de négoce qui ont les moyens de s’approvisionner dans d’autres régions du globe et d’arbitrer la différence de prix », explique Roland Rechtsteiner.